L’alliance et le royaume de Dieu

Craig G. Bartholomew et Michael W. Goheen, Le grand récit de la Bible : trouver notre place dans l’histoire biblique, Impact Académia, 2021, p. 26-30.

La Bible est-elle une seule et même histoire ayant cours ?

Peut-être aurez-vous déjà entendu la vieille fable hindoue dans laquelle six hommes aveugles rencontrent un éléphant pour la première fois. À tour de rôle, ils le décrivent différemment aux autres : la bête est comme un mur, un serpent, une lance, un ventilateur, une corde ou un arbre. Bien qu’il n’y ait là qu’un seul éléphant, chacun en fait une expérience complètement distincte selon qu’il en touche le flanc, la trompe, la défense, l’oreille, la queue ou la patte. Cette histoire nous rappelle qu’il est souvent difficile d’avoir l’assurance que notre seul vécu nous a procuré l’image d’ensemble de quoi que ce soit de complexe. Or, le fait d’essayer de saisir toute la portée et toute la forme de la Bible peut ressembler un peu à cela. Selon le passage par lequel nous l’abordons pour la première fois, il se peut que nous n’ayons pas immédiatement l’impression que son intégralité a la forme d’une histoire. Ainsi, la lectrice qui se plonge dans la première épître aux Corinthiens, dans le Nouveau Testament, cette lettre qu’un missionnaire a adressée à une jeune Église en difficulté, se demande : Comment cette lettre s’inscrit-elle dans le grand récit biblique ? Ou encore, en prenant la poésie des Psaumes ou les formidables images du livre de l’Apocalypse, elle se demande : Où et comment s’inscrivent-elles dans le grand récit ?

Il peut s’avérer utile de voir la Bible – aussi vaste et variée soit-elle manifestement – non pas comme un éléphant, mais comme quelque chose d’encore plus grand : un édifice, une cathédrale.

S’il vous est déjà arrivé de visiter l’une de ces magnifiques églises, comme la cathédrale nationale à Washington (D. C.), la cathédrale Notre-Dame à Montréal (ou sa sœur aînée plus célèbre à Paris) ou St. Paul à Londres, vous savez que l’on pourrait passer des jours à en explorer une seule. On peut aborder une cathédrale sous de nombreux angles. À l’intérieur se trouvent des chapelles latérales et les chapelles principales à explorer, ornées de vitraux, de peintures, de statues et autres trésors. Ce qui semble à première vue être une seule pièce immense est en définitive une multitude de pièces et de corridors, de tours et de balcons, d’escaliers et de passages dérobés. Et encore, il ne s’agit là que des endroits que le public voit. Si vous en obtenez la permission auprès du doyen, le directeur de la cathédrale, pour explorer l’église dans son entièreté, vous découvrirez toutes sortes d’autres entrées et sorties de l’édifice et de nombreux points de vue d’où l’admirer.

Imaginez que la Bible, avec ses soixante-six livres, écrite par des dizaines d’auteurs humains sur plus de mille ans, soit une grande cathédrale comportant de nombreuses pièces et diverses entrées. Vous pouvez, par exemple, entrer dans la Bible par l’un des Évangiles. Il est vrai que beaucoup de gens sont encouragés à amorcer leur lecture de la Bible par l’Évangile selon Marc ou l’Évangile selon Jean. Nombre de chrétiens commencent à explorer l’Ancien Testament relativement tard dans leur parcours de foi. Rares sont ceux qui éprouvent le désir de revenir encore et encore sur les généalogies au début des livres des Chroniques ou les longues listes de lois alimentaires contenues dans le livre du Lévitique.

Si vous désirez vous représenter la cathédrale dans son ensemble, vous avez une question importante à vous poser : Où se trouve l’entrée principale, l’endroit duquel on peut l’admirer dans sa totalité ? Une cathédrale traditionnelle possède en général une entrée principale à la porte ouest, depuis laquelle on peut voir toute la nef centrale jusqu’à l’extrémité est de l’édifice, où l’on a érigé l’autel. En occident, on bâtissait toujours de telles églises avec l’autel face à l’orient, vers Jérusalem (d’où provient le mot « orienté », qui signifie maintenant plus généralement « qui donne un sens de direction »). La « cathédrale » de la Bible comporte de nombreux thèmes. Les gens lui prêtent divers thèmes prédominants, et ceux-ci constituent différentes portes desquelles on peut avoir une perspective de toute la révélation spectaculaire de Dieu.

À notre avis, « l’alliance » (dans l’Ancien Testament) et « le royaume de Dieu » (dans le Nouveau Testament) se réclament d’être la porte principale par laquelle on peut commencer à entrer dans la Bible et à la voir en tant que vaste structure intégrale. Dans l’Ancien Testament, Dieu établit une alliance avec Noé, Abraham, Israël et le roi David ; dans le livre de Jérémie, Dieu parle d’une nouvelle alliance qu’il établira dans le futur. Dans les Évangiles, il est clair que le vaste ministère d’enseignement de Jésus a pour thème principal le royaume de Dieu. Marc (1.14,15) résume ainsi ce ministère : « Après que Jean eut été livré, Jésus alla dans la Galilée, prêchant l’Évangile de Dieu. Il disait : Le temps est accompli, et le royaume de Dieu est proche. Repentez-vous, et croyez à la bonne nouvelle. » En prenant l’alliance et le royaume comme entrée principale dans la Bible, on ne nie pas l’existence d’autres entrées. Ses lecteurs disent de nombreuses autres qu’elles sont les meilleures pour en obtenir une vue d’ensemble : des entrées comme « la promesse » et « la présence divine ». Bien que toutes soient utiles, elles sont un peu comme des chapelles latérales ou des entrées latérales plutôt que l’entrée principale. À partir d’elles, on obtient certainement une vue de la cathédrale, mais sans en obtenir la même vue d’ensemble qu’à partir de l’alliance et du royaume.

Il se peut que vous vous demandiez : L’alliance et le royaume forment-ils une seule et même entrée ou deux entrées différentes ? Voilà une question d’importance. Comme nous l’expliquerons dans la suite, le royaume de Dieu correspond au règne que Dieu exerce sur son peuple et éventuellement sur toute la création. L’alliance concerne plus particulièrement la relation spéciale que Dieu entretient avec son peuple en accomplissant ses desseins au fil de l’Histoire. En fait, les alliances constituaient des relations que les rois établissaient avec leurs sujets. Lorsque les membres du peuple de Dieu entrent dans une alliance avec lui, ils sont obligés d’être ses sujets et de vivre sous son règne. Comme nous le verrons bientôt, l’alliance exige aussi que nous prenions les desseins de Dieu au sérieux par rapport à toute la création. Ainsi, l’alliance et le royaume sont comme les deux côtés d’une même pièce, évoquant la même réalité de façons légèrement différentes.

Au terme de toute notre étude, nous découvrons que l’alliance et le royaume constituent la double porte de la même entrée principale de la cathédrale scripturaire, qui évoque la même réalité. Voilà pourquoi nous avons employé « le royaume » pour structurer le présent livre. Les deux nous révèlent Dieu comme étant le Souverain qui règne sur tout, qui désire avoir un peuple vivant sous son autorité et qui répand le parfum de sa présence sur toute sa création. Elles nous signalent également toutes les deux que Dieu a toujours voulu que les choses soient ainsi depuis le début, mais que celles-ci ont tourné au vinaigre. Aujourd’hui, Dieu s’emploie à une œuvre réparatrice visant à restaurer son projet ainsi qu’à poursuivre ses desseins originaux et incessants. Dans les alliances de l’Ancien Testament, Dieu se concentre étroitement sur Israël, mais toujours en vue de voir Israël être la lumière des nations. Dans le Nouveau Testament, « le royaume de Dieu » a nettement toutes les nations et toute la création en vue. Or, d’une manière ou d’une autre, en entrant dans la Bible par cette double porte principale, l’alliance et le royaume portent à notre attention l’importance du grand récit de la Bible. Il commence par la Création, puis se poursuit. Cette entrée nous procure la bonne perspective des choses, celle qui nous permet de comprendre où Dieu veut en venir et ce qu’il nous dit actuellement.

Il se peut que nous ne nous mettions pas à lire la Bible dans le livre de la Genèse, et que nous nous contentions de survoler les généalogies des livres des Chroniques et les lois de ceux du Lévitique et des Nombres. Par contre, si nous entrons dans la Bible par l’alliance et le royaume, nous ne tarderons pas à nous poser des questions comme les suivantes :

  • Quel lien y a-t-il entre l’alliance de Dieu avec Abraham et ses desseins pour toute sa création ?
  • Si Jésus est notre roi, qu’en est-il du reste de la création ?
  • Si ce monde est celui que Dieu a créé, qu’est-ce qui a mal tourné ? Comment se fait-il que Dieu en ait perdu le contrôle ?
  • Quelle place l’Église occupe-t-elle dans les desseins du royaume de Dieu par rapport à toute sa création ?

Le seul moyen de répondre à ces questions consiste à revenir au début de la Bible et à en lire le récit tel qu’il se déroule selon ses divers actes, à partir de « Au commencement… » Voilà d’ailleurs ce que nous nous proposons de faire dans le présent livre. Il est donc vrai que, si nous n’abordons pas le sujet de manière simpliste, nous verrons que la Bible constitue certainement un seul et même récit ayant cours. Et dans ce livre, nous le raconterons.


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Le grand récit de la Bible

Craig G. Bartholomew
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Craig G. Bartholomew (Ph. D., University of Bristol) est directeur du Kirby Laing Institute for Christian Ethics (KLICE) à Cambridge, au Royaume‑Uni. Il a précédemment été professeur de philosophie au Redeemer University College, en Ontario.

Michael W. Goheen
Plus de publications

Michael W. Goheen (Ph. D., University of Utrecht) est professeur associé de mission et de théologie au Redeemer Seminary à Dallas, au Texas. Il est également directeur de l’enseignement théologique pour le Missional Training Center à Phoenix, en Arizona.