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Vous dire le respect que j’avais pour cet homme. Sa douceur, sa classe, ses origines indiennes, son âge et son écriture m’inspiraient d’admiration, je dirais même que je tirais une certaine fierté d’avoir un homme semblable dans notre « camp ». Ravi Zacharias, dans le camp des chrétiens, défendant la beauté de l’Évangile, était une fierté pour moi. Quand j’ai appris la nouvelle de son décès en avril 2020, je me suis dit que nous venions de perdre un de nos héros.

Puis, il y a quelques semaines, le scandale a éclaté au grand jour. Ravi avait vécu une double vie, une vie de mensonge, de débauche, d’abus psychologiques et sexuels. L’ampleur de ce scandale ne sera probablement jamais connue, car il s’est étendu sur plusieurs années et sur plusieurs continents. Ravi a abusé psychologiquement et sexuellement plusieurs massothérapeutes féminines (voir cet article et cet article).  Ses victimes directes sont nombreuses, plusieurs femmes ont accepté de témoigner aux enquêteurs chargés par le ministère de Ravi (RZIM) d’exposer absolument tout ce qu’ils trouveraient. Ravi se serait exhibé, aurait sollicité des faveurs sexuelles, et commis des attouchements, et possiblement violé au moins l’une de ses victimes.

Ces femmes méritent toute l’aide possible et toute forme de réparation envisageable de la part de spécialistes et du ministère RZIM. Je prie pour elles, pour celles qui se sont révélées et pour celles qui, à ce jour, n’osent parler. Je me réjouis de vivre à une époque où de tels comportements sont inacceptables, de plus en plus exposés et les victimes de mieux en mieux entourées et accueillies. Il y a encore beaucoup de chemin à faire en ce sens, mais l’ouverture de notre culture à divulguer et reconnaître ces drames m’inspire confiance. Je demeure profondément désolé de découvrir de nouvelles victimes, au nom de Dieu, car il y a bien eu abus spirituels dans plusieurs de ces situations. Ravi aurait manipulé des femmes pour les contraindre à garder silence au nom de son ministère pour Dieu. Tout ceci me dégoûte, c’est abject.

Nombreuses sont les victimes directes de celui qui se présentait comme un homme de Dieu. Leurs souffrances, les offenses subies ne sauraient se comparer aux autres victimes de Ravi, celles que j’appellerai les victimes indirectes. Cependant, il y a des centaines de milliers d’autres victimes, voir des millions. Il s’agit premièrement de sa famille, ses collègues, ses amis, puis il y a tous ceux et celles partout dans le monde qui admiraient et étaient inspirés par cet homme. J’en suis.

Je veux réfléchir à cœur ouvert avec l’Église de Jésus-Christ et plus particulièrement avec les hommes qui sont placés en position de leadership, d’autorité spirituelle. Je ferai quatre remarques qui méritent, je crois, notre attention au cours des mois à venir.

Premièrement, tout échec moral d’un « homme de Dieu » public nous cause, à tous les chrétiens un tort irréparable, ainsi qu’au témoignage de l’Évangile. Partant du sentiment de trahison que j’ai vécu à l’égard de cet homme qui m’avait inspiré pendant toutes ces années, je crois pouvoir dire que c’est l’Église universelle de Christ qui a été blessée par la faute d’un homme à qui nous avions accordé notre confiance.  Existe-t-il une vocation qui repose davantage sur l’intégrité de caractère que celle d’un leader religieux? Je parlerai au nous, à titre de pasteur; le cynisme à notre égard est monnaie courante dans le monde, et pourtant, l’Église de Christ nous voue une grande confiance. Mes frères, pasteurs, leaders d’Églises, de ministères, prenons la mesure de l’offense faite à l’Église par un seul homme, et considérons cette grande responsabilité qui nous revient de marcher avec intégrité.

Nous sommes tous pécheurs, et nous ne sommes pas toujours irréprochables comme nous devrions l’être. Il est, pourtant, possible de chercher de l’aide et de confesser nos manquements, afin de ne pas vivre une vie de mensonge et de façade. Et, j’oserai demander à ceux qui se savent en faute, et qui cachent dans leur vie des scandales, de chercher de l’aide et de sortir de cette vie de mensonge. Tout pasteur, tout « homme de Dieu » devrait pouvoir témoigner en tout temps que ses secrets les plus obscurs sont exposés à des hommes de confiance qui sauront le confronter. Enfin, celui qui exerce un ministère public ne devrait jamais être seul à déterminer s’il possède l’intégrité l’autorisant à poursuivre son service. Cela demande un encadrement qui favorise la confession, l’ouverture et la transparence. Toutes ces mesures ne sauraient garantir l’intégrité de qui que ce soit, mais elles favorisent une culture de support et de transparence.

Deuxièmement, malheureusement, comme nous l’avait enseigné le Seigneur: « Malheur au monde à cause des scandales! Car il est nécessaire qu’il arrive des scandales; mais malheur à l’homme par qui le scandale arrive! » (Matthieu 18.7, NEG). Les scandales arriveront, ils sont inévitables. Je ne veux rien justifier ou accepter ici, mais je crois que nous devons partir de ce constat sombre et réaliste: partout où il y a des hommes investis de leadership spirituel, il y aura, par moment, des scandales, des crimes et de la souffrance. Puisque ces scandales viendront, nous nous devons de mettre tout en œuvre pour les prévenir, et le cas échéant, les juger avec intégrité et transparence. Nous devons aussi, malheureusement, accepter comme chrétien que le nom de l’Évangile sera sali.

Troisièmement, l’Église, plus que quiconque devrait être lucide et prévenante. Pour être absolument honnête, je ne m’explique pas que l’Église de Christ soit constamment à la remorque de la culture dans les questions de protection et de prévention des abus, spécialement à caractère sexuel. Notre Dieu est le protecteur de la veuve et de l’orphelin: « Le père des orphelins, le défenseur des veuves, C’est Dieu dans sa demeure sainte » (Psaume 68.6, NEG).

Je me désole que nous ne mettions pas tous nos efforts à protéger, écouter, investiguer les accusations d’abus. Notre Dieu veut que nous soyons absolument irréprochables en ces domaines. Bien sûr, les pasteurs et les leaders spirituels font l’objet de critiques et d’attaques régulières, et l’apôtre Paul demande que deux accusateurs s’accordent pour présenter des reproches contre un pasteur, mais cela ne signifie pas pour autant que nous n’écoutions pas ceux et celles qui se disent victimes. Je peux écouter toute personne qui se présente comme une victime sans pour autant condamner l’accusé. Nous pouvons investiguer sérieusement et déterminer ensuite s’il y a lieu d’accepter l’accusation. Cela s’impose. Et nous devrions redoubler d’efforts lorsque les accusations se multiplient. Tous les ministères de la terre ne valent pas que nous traitions à la légère des accusations. Notez que je ne prétends pas être irréprochable en ce domaine. Les investigations sont des exercices fastidieux et il est facile d’être négligent. Cela n’en est pas moins inacceptable.

Frères et sœurs, ne gaspillons pas cette grande humiliation que nous ont infligée les péchés de cet homme, et cherchons les leçons à tirer, les méthodes à transformer, les attitudes à adopter pour enrayer, si possible, ces comportements odieux du milieu de nous.

Quatrièmement, Dieu rendra justice. Dieu rendra justice! Cela demeure et doit demeurer notre ultime consolation. Les paroles de John Piper demeurent gravées dans ma mémoire. À la question qui lui avait été posée, « Où est votre Dieu alors que tant d’injustices se vivent dans le monde? », il avait répondu: « Il est au ciel et note chacune d’elles, et il amasse une montagne de colère pour juger avec justice tous ces péchés. ». Notre Dieu rendra justice, et bien que cet homme qui nous a scandalisés n’est plus de ce monde pour rendre des comptes à ses victimes et à l’Église, il est devant son juge et jamais, au grand jamais, je ne voudrais être en ce moment dans ses souliers.

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